Formule 1 : le casque, de simple protection à outil d'expression des pilotes

2022-09-30 19:48:00 By : Ms. Apple liu

Accessoire indispensable dans le sport automobile, le casque est devenu un objet de personnalisation incontournable pour les pilotes qui les utilisent pour faire passer des messages.

Le casque iconique d'Ayrton Senna, tout jaune cerclé de bandes vertes aux couleurs de son pays le Brésil, est sans doute le plus connu. Son attachement pour son pays était ainsi affiché. Depuis plusieurs années, les pilotes de F1 utilisent cet objet différemment. Ce week-end des 10-11 septembre, pour le Grand Prix d'Italie, les deux pilotes Ferrari, Charles Leclerc et Carlos Sainz Jr arboreront un casque spécial jaune dit Modène, en hommage aux racines de l'écurie au Cheval cabré. 

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Deux bandes bleue et jaune sur un simple fond blanc, une colombe, symbole universel de la paix, le slogan "no war". Nous ne sommes pas dans une des nombreuses manifestations de soutien à l'Ukraine, depuis l'invasion du pays par la Russie en février, mais bien sur la piste du circuit international de Sakhir, à Bahreïn. Les couleurs chatoyantes ont orné le casque du quadruple champion du monde de Formule 1 Sebastian Vettel, pendant les trois derniers jours d'essais d'avant-saison, et lors des premiers Grand Prix au calendrier. Sur ce petit objet rond et anodin, le reflet des horreurs de l'actualité : un hommage au pays et à ses citoyens, une prise de position contre les combats et les morts, un vibrant hommage à la paix. À l'image de l'action de l'Allemand, le casque est devenu un support de choix pour partager un petit bout d'eux.

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Le casque est un objet majeur pour un pilote. Pour l'aspect sécurité, d'abord, en tant que pièce vitale pour la protection de son intégrité physique (résistance à une chaleur de 790 degrés, à un disque métallique lancé à 250 km/h...). "C'est ce qui protège notre tête, avant tout, donc c'est quand même une pièce hyper importante", assure Théo Pourchaire, pilote de Formule 2 chez ART et membre de l'académie Sauber. Indissociable de l'histoire de la course automobile, le casque, rendu obligatoire en 1952, a presque toujours accompagné les férus de la route, en s'adaptant aux progrès. "C'est un objet très avancé, qui évolue tout le temps, qui doit être léger, solide, aérodynamique", poursuit le jeune pilote. Les couvre-chefs en tissu et cagoules en cuir ont progressivement laissé place aux casques intégraux renforcés qu'on connaît aujourd'hui.

Au fil du temps, le casque est surtout devenu un moyen pour les pilotes de montrer qui ils sont. "Le casque d'un pilote, c'est son identité", résume Adrien Paviot, designer de casques pour plusieurs pilotes de F1. "C'est peut-être le dernier élément dans lequel il peut encore s'exprimer, partager sa personnalité, qui il est." Là où la combinaison de course est produite par l'équipe, "le casque est la seule pièce d'équipement sur laquelle ils sont autorisés à utiliser leur propre design", abonde Marc Jans, expert en objets sportifs de collection.

Les pilotes utilisent souvent des designs qui rappellent leur drapeau, quelque chose de personnel, ou une idole sportive. Lando Norris a dédié son design à son héros d'enfance, Valentino Rossi. Max Verstappen a un lion néerlandais, en lien avec l'équipe nationale de football. Et le plus célèbre est peut-être celui d'Ayrton Senna avec les couleurs du drapeau du Brésil.

Couleur ou symbole particulier à l'appui, les pilotes transposent leur personnalité sur leur tête. Théo Pourchaire ne fait pas exception. "Mon casque, c'est principalement du jaune, c'est ma couleur, c'est mon identité. J'ai quasiment le même design depuis que j'ai commencé", relate-t-il. "Les pilotes de F1 ont déjà souvent une identité en place que les designers apprennent à connaître", affirme Adrien Paviot, qui travaille avec le jeune Français. Sur son casque, ses initiales, "T" et "P" sur le côté, et un drapeau français tricolore traversant, viennent s'ajouter aux teintes fluos.

Une publication partagée par Théo Pourchaire (@theopourchaire21)

Ces dernières saisons, le design des casques a pris une nouvelle dimension. Il est devenu tellement important que les pilotes en font désormais des vidéos de présentation en début de saison, qui touchent plusieurs dizaines de milliers de fans. "Les peintures de casque ont vraiment été boostées par les réseaux sociaux, qui ont renforcé le côté image", note Valentin Belgy, peintre spécialisé. Ils inspirent également le reste du monde du sport. Aux Jeux olympiques de Pékin, en début d'année, le patineur de short-track canadien Charles Hamelin a concouru avec un casque similaire à celui de son idole, Lewis Hamilton, teinte violette et traits dorés.

En 2020, la FIA a abrogé sa règle, introduite cinq ans plus tôt, interdisant aux pilotes d'utiliser plus de deux designs de casque chaque saison, sous prétexte qu'ils étaient devenus trop difficiles à discerner. Deux ans plus tard, libérés de la contrainte, les pilotes ont pris goût à multiplier les designs spéciaux temporaires, pour les Grand Prix à domicile, sur des pistes particulièrement appréciées... Le premier week-end de décembre 2021, George Russell s'était ainsi présenté dans le paddock de Djeddah avec un nouveau casque bleu foncé et floqué pour rendre hommage à Frank Williams, le fondateur de son écurie, décédé quelques jours plus tôt. Lors des quelques courses de nuit au calendrier, plusieurs pilotes choisissent de porter un design "chromé" particulièrement lumineux dans la pénombre. Toutes les occasions sont bonnes pour proposer une nouvelle version de l'objet.

Lewis Hamilton et son casque acr-en-ciel en soutien aux minorités sexuelles, lors des essais libres du Grand Prix d'Arabie Saoudite, le 3 décembre 2021. (ANDREJ ISAKOVIC / AFP)

Les casques sont surtout devenus un moyen pour les pilotes de partager leurs opinions, dans un paddock où les prises de paroles sont souvent lisses et contrôlées. Lewis Hamilton a marqué les esprits avec son design arc-en-ciel, en soutien à la communauté LGBT, arboré à la fin de l'année 2021. À travers son casque de début de saison, Sebastian Vettel s'est, lui, publiquement positionné contre l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Avec la nouvelle popularité de la discipline, les pilotes sont regardés par une large audience tous les week-end de course, ce qui leur offre une plateforme privilégiée pour exposer leurs casques et leurs idées.

Vettel est d'ailleurs devenu un champion en la matière. Depuis 2011, l'équipe, qui travaille avec lui, a dessiné plus de 170 casques. Les plus récents embrassent ses nouvelles convictions écologiques, climatiques et sociales. De la "to-do list" du monde à Abu Dhabi en 2021 ("Plus de pollution plastique", "Sauver les récifs coralliens", "Être soi-même") à l'alerte sur la montée des eaux à Miami en mai ("Premier Grand Prix sous l'eau ? Agir maintenant ou nager plus tard"), le quadruple champion du monde fait plus que jamais résonner sa voix sur son casque, avant de prendre sa retraite et de quitter la discipline à la fin de la saison.

Cet écho va parfois jusqu'à nourrir les débats de société. À Montréal en juin dernier, Sebastian Vettel (toujours lui) avait roulé les deux premiers jours du week-end avec un casque dénonçant le minage des sables bitumineux dans l'Alberta, qualifié de "crime écologique" pour son rejet excessif de gaz à effet de serre. Le pouvoir politique avait vertement réagi, notamment par le biais de la ministre de l'Energie de l'Etat, Sonya Savage, relançant ainsi les discussions sur l'empreinte écologique dans le pays. De quoi dépasser le cadre du paddock, et marquer la nouvelle importance des casques et de leurs designs. En attendant le prochain dessin qui attirera tous les regards.

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