Le cycliste, du peloton du Tour de France aux stars de télé-réalité

2022-07-01 18:18:07 By : Mr. Sean Xiong

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Longtemps considéré comme la quintessence du ringard, le cycliste fait une échappée dans la garde-robe des starlettes. Plus moulant et sophistiqué que dans les années 1990, il s’adapte à l’évolution des canons de beauté et efface les frontières du genre

Des poupées de cire alignées selon la teinte de leur peau, vêtues de combinaisons-cyclistes nudes ultra-moulantes sculptant les formes des modèles. La marque de lingerie Skims de la célèbre Kim Kardashian n’hésite pas à mettre en scène sur son site de vente en ligne ce vêtement que l’on pensait cantonné à la penderie de notre vieux tonton adepte du biclou.

Et ce retour en grâce ne doit rien au hasard. Sachez-le, en 2022, le cycliste revient en force. Et pour coller à l’air du temps, il joue les seconde peau, ne transige pas avec le confort, mais se veut sexy. Ce qui est loin d’avoir toujours été le cas.

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Car avant d’atterrir dans la garde-robe des starlettes de la télé-réalité, ce pantalon moulant coupé au genou a une histoire sportive qui doit peu à la mode. Selon Rozenn Meignant, directrice artistique du cahier sport chez Promostyle, il s’agit d’abord d’un cuissard basique que l’on découvre lorsque le deux-roues se popularise dans les années 1960. Date à laquelle on reste scotché devant son téléviseur à regarder passer les coureurs du Tour de France…

Il faut attendre les années 1980, et l’apogée du sportswear, pour voir le short des cyclistes quitter la sphère sportive. Dans les années 90, le style « athleisure » (contraction d’« athlète » et « loisir » en anglais), alors en vogue, affine cette tendance, et l’image athlétique des coursiers New-Yorkais sillonnant la ville en short moulant sur leur vélo remplace celle des valeureux maillots jaunes : « C’était révolutionnaire à l’époque d’avoir un vêtement à la fois sexy et prémisse du sportswear dans la façon de le porter. Le cycliste quittait alors l’univers du Tour de France, avec son côté Poulidor » rappelle Vincent Grégoire, directeur de création chez NellyRodi.

Au milieu des années 1990, la Princesse Lady Di en fait même une pièce incontournable de son dressing, et c’est peu dire qu’il devient alors une pièce incontournable de toutes les penderies : « Au début, le cycliste était tendance chez les élites. Après, il se retrouve partout en version populaire, mainstream, sur tous les corps qui cherchent du confort, y compris des corps jugés hors normes, moulant des corps imparfaits » résume Vincent Grégoire.

Fini le cycliste « tendance », l’ère du cycliste ringard est amorcée. Pour Rozenn Meignant, la mode du VTT, qui met en avant des marques comme Schott ou Specialize, l’enterre pour un temps. Les vêtements deviennent alors plus couvrants : « On sort des années fitness, fluo, sporty pour entrer dans le grunge » décrypte la spécialiste.

Le cycliste réapparaîtra ensuite sur les podiums en 2018 lors des défilés Printemps-Été 2019 des maisons Prada ou Fendi. Et pour cause, le vestiaire des années 1980 signe alors son grand retour, accompagné de cette tendance sporty qui consiste à porter ses vêtements de sport IRL (« in real life »). Adopté par les icônes mode Bella Hadid, la fratrie Kardashian-Jenner, Emily Ratajkowski ou encore Chiara Ferragni, le short moulant est à nouveau dans la course, et va y rester.

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Car l’une des premières vertus du cycliste, c’est son confort. « Le cycliste, c’est le vêtement que j’ai le plus porté dans ma vie » lance Alexandra Rosenfeld, 35 ans, professeur de yoga et nouvelle ambassadrice de Circle, une marque de sport éco-responsable. Selon sa co-fondatrice Solène Roure : « une fois qu’on a goûté au confort, on ne veut plus revenir en arrière. Cette tendance n’est pas prête de partir ».

De fait, après un confinement qui a fait éclater toutes les règles de la vie de bureau, ce vêtement coche toutes les cases du loungewear, ce style qui consiste à porter des vêtements confortables ailleurs que chez soi, tout en restant chic. Une tendance qui a explosé avec le Covid :

Les Américains, qui ont un mot pour tout, appellent cela l’outimacy (à opposer à l’intimacy, l’intimité). En gros, il s’agit de porter des vêtements intimes, de type nuisette, à l’extérieur. « Et le cycliste est le symbole même de vêtement d’intérieur qu’on veut mettre à l’extérieur sans se soucier des conventions » analyse Vincent Grégoire.

Selon la sociologue de la mode Emilie Coutant, son lien avec le sport n’est pas non plus anodin dans ce revival : « L’habit permet de montrer ce que l’on fait. Aujourd’hui, on porte des vêtements pour montrer quel sport on fait, comment on prend soin de soi pour être connu et reconnu ». Et de préciser que l’association entre cette pièce sportswear et des vêtements plus « classe » a contribué à le faire accepter. Voire à le rendre sexy.

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Et c’est bien l’un des paradoxes du cycliste actuel, ce mix entre confort et sexy. Ainsi, lorsque l’ex star de télé-réalité, Nabilla Vergara, s’affiche, enceinte, en cycliste taille haute, ses followers sur Instagram applaudissent autant une tenue confortable qui souligne une grossesse avancée, que son côté sexy. Un mélange que l’on retrouve dans les articles de la marque de lingerie inclusive Skims lancée en 2019 par la prêtresse de la mode Kim Kardashian : taille haute, effet seconde peau, de couleur beige, marron ou noir, en version asymétrique ou complète, ses cyclistes sont conçus pour toutes les silhouettes - que l’on fasse du XXS ou du 5XL-, pour toutes les couleurs de peau, pour tous les styles. Mais ils restent glamour !

Une tendance qui n’étonne pas la sociologue Emilie Coutant : « Aujourd’hui, on adopte ce type de pièce -un cycliste ou un crop top- soit parce qu’il nous va, soit pour revendiquer le body positivisme ». En déferlant sur les réseaux sociaux en 2018, ce mouvement est en effet venu casser les standards de beauté (corps fin, peau lisse…) en imposant une nouvelle liberté d’être comme on est, avec ses formes, son vitiligo, son acné….et ses bourrelets qui transparaissent naturellement sous son cycliste. Enfin, presque… Car comme souvent, la transparence a ses limites :

« On essaie d’architecturer le corps, de le modeler, le structurer. Il n’y a jamais eu autant de découpes pour souligner le corps, corriger les défauts en remontant les fesses et les seins… sans chercher la perfection pour autant » corrige Vincent Grégoire.

Pour preuve, nombreuses sont les marques qui mettent en vente des modèles structurants, composés d’une gaine amincissante, ou capables, par un effet d’optique, d’obtenir des fesses plus rebondies. Comme quoi, même en cycliste, il n’est pas facile de sortir des diktats de la beauté.